Une visite rapide à faire depuis Ankara! Je vous emmène à Gordion découvrir le tombeau du Roi Midas… L’occasion de pénétrer dans un tumulus et d’évoquer les légendes du plus célèbre des Rois Phrygiens.
Et puis, on ne peut visiter Gordion sans parler aussi un peu : du Bonnet Phrygien, du Noeud gordien, d’Alexandre le grand, et même (une fois n’est pas coutume) de Mustafa Kemal Atatürk…
Visiter le tombeau du roi Midas à Gordion
Qui n’a jamais entendu parler du roi Midas et de son incroyable pouvoir de transformer en or tout ce qu’il touchait?
Au-delà de cette légende, Midas est un personnage réel, ayant régné sur le royaume de Phrygie au cours du 7ème siècle av.JC, depuis sa capitale Gordion (dans les environs de l’actuelle Ankara).
Je reviendrai plus bas sur la vie et les légendes de ce roi Midas. Pour le moment, c’est de sa mort dont je vais vous parler. Ou plus exactement, de sa sépulture… car le Roi Midas repose dans un tombeau original : un tumulus!
Accéder au tombeau du Roi Midas
Le tombeau du Roi Midas se situe près de l’ancienne cité de Gordion, aujourd’hui le village de Polatli. Situé au sud-ouest d’Ankara, il faut 1h30 en voiture pour parcourir les 70km qui les séparent.
Arrivés sur le site, nous étions les seuls visiteurs (fin février n’est pas la haute saison!). Tant mieux, car j’imagine mal comment bien profiter du site si un bus de touristes débarque au même moment. Car ce fameux tombeau se trouve sous terre, dans un tumulus, au bout d’un tunnel étroit où l’on n’aimerait pas croiser trop de monde!
Donc dans un premier temps, on prend notre ticket à la billetterie à 10TL par personne (inclus avec MüzeKart+ ou MuseumPass Turquie). La visite du tumulus se fait en un quart d’heure. Le petit musée associé se fait tout aussi rapidement, donc autant dire que la journée sera sans stress!
Qu’est-ce qu’un tumulus?
Pour les enfants, les tumuli sont au programme d’Histoire-Géo de 6ème, donc une belle occasion de les emmener en voir un « pour de vrai » 😉
Un tumulus se définit comme une construction artificielle de terre et de pierre recouvrant une sépulture. On y enterrait en général, les membres de la famille royale et certains nobles.
Dans la région de Gordion, dans l’ancienne Phrygie, près de 100 tumulus sont répertoriés. (Ils forment un drôle de paysage qui m’a fait penser à un terrain de golf massacré par de très grosses taupes). Il en existe quelques autres vers Afyon, Eskisehir et Ankara. Toutefois, seule une vingtaine de ces tumuli ont été explorés. Dont le tombeau du roi Midas!
La structure d’un tumulus phrygien
Il s’agit d’abord d’une construction en bois imputrescible (cèdre ou genévrier), style, cabane de bûcheron au Canada!
Le corps du défunt est d’abord déposé dans un coin de cette chambre funéraire. Des offrandes sont également apportées, parmi lesquelles des meubles en bois et des objets de cuivre. Deux formes d’artisanat dans lesquelles les Phrygiens avaient acquis une très grande réputation. (Mais étonnamment, pas d’or!)
Était ensuite ajouté un toit de bois. Puis autour, des blocs de pierre, pour former une deuxième enveloppe. Des graviers viennent combler l’espace entre bois et pierre.
Enfin, de la terre et de la glaise sont rajoutés par-dessus pour former le tumulus. La nature s’occupe ensuite de végétaliser le tout… ni vu, ni connu!
Le Tumulus du Roi Midas à Gordion
Le Tumulus dit du Roi Midas est le plus grand de tous les tumuli de la région de Gordion. Il mesure 53 mètres de haut pour un diamètre de 300 mètres! On l’attribue au Roi Midas, mais il pourrait tout aussi bien être celui de son père. Ceci dit, comme les rois phrygiens s’appelaient tous alternativement Midas ou Gordias, on a 1 chance sur 2 d’avoir raison 😉
On entre dans le tumulus par un étroit couloir creusé par les archéologues pour accéder au tombeau. Parce qu’en fait, un tumulus n’est pas sensé avoir de porte!
Au bout du couloir, on arrive à la chambre funéraire, de forme rectangulaire (5m15 de la large par 6m20 de long et 3m de haut).
On ne peut voir l’intérieur du tombeau qu’à travers l‘ouverture grillagée qui a été faite sur le côté.
Pour les photos, pas simple de faire quelque cliché représentatif… Un peu frustrant, mais c’est quand même intéressant car la structure de bois est très bien conservée. C’est d’ailleurs l’une des plus vieilles constructions en bois visible au monde!
Les archéologues ont découvert dans un coin de la chambre, le squelette d’un homme. Décédé au cours du 7ème siècle av. JC, à l’âge estimé de 60 ans, il mesurait 1m59. Il était étendu sur une banquette, recouverte d’étoffes. Ses vêtements étaient intacts : une tunique fixée par des fibules de bronze et une jupe en cuir.
Dans la chambre était entreposé un grand nombre d’offrandes (166 objets) de très belle facture. Ce trésors a été retrouvé intact! Panneaux de bois sculptés, tables marquetées, grands chaudrons de bronze à anses en forme de sirène, remplis de plus petits récipients tels que coupes, bols à omphalos, seaux en forme de tête d’animaux, etc.
J’attire d’ailleurs votre attention sur ces bols à omphalos qui ne sont pas sans rappeler les bols de hammam ottomans que l’on utilise encore aujourd’hui…
Tout ce trésor est aujourd’hui exposé au musée des civilisations anatoliennes d’Ankara!
Le musée du tombeau du roi Midas à Gordion
Au niveau de la billetterie se tient un petit musée. Etant donné que toutes les plus belles pièces sont aujourd’hui à Ankara, le tour est vite fait!
On y voit tout de même une maquette du tombeau, bien utile pour en comprendre sa structure. Ainsi que le moulage du masque funéraire du supposé roi Midas!
Visiter les ruines de Gordion
Quitte à venir à Gordion, autant en profiter pour faire un tour sur les ruines de l’ancienne capitale Phrygienne. Située à quelques km du tumulus de Midas, son accès est libre.
L’antique Gordion trône sur un petit plateau, au milieu de steppes arides où viennent pêtre quelques troupeaux de chèvres. Autant dire qu’on est au calme!
La visite est rapide elle aussi. Un quart d’heure suffit pour en faire le tour, car il n’y a plus grand chose de très reconnaissable, à part la porte qui est en cours de restauration (datée du 8ème siècle av. JC).
Il faut quand même s’imaginer que c’est ici-même que le chariot de Gordias était attaché par le fameux Noeud Gordien. Alexandre le Grand a donc foulé ce sol en 333 av. JC. Je vous en reparle dans un instant…
Et enfin, jetez donc un oeil à la rivière qui coule à l’arrière de cette cité. Il s’agit de la rivière Sakarya. Un nom que tous les turcs se doivent de connaitre. Je vous dis pourquoi plus loin!
Qui était le roi Midas?
Le roi Midas est d’une part un personnage mythologique, auquel les grecs ont associé la légende du toucher d’or et la légende des oreilles d’ânes (j’y reviens plus bas…).
Mais Midas est également un personnage réel, ayant régné sur la Phrygie de 717 à 676 av. JC. De sa vie réelle, on ne rapporte pas grand chose, si ce n’est qu’il était très très riche… En revanche, on sait qu’il s’est suicidé après une défaite face aux Cimmériens qui détruisirent Gordion et le royaume de Phrygie.
De nos jours, le roi Midas est surtout connu (des plus jeunes) pour être un personnage du jeu vidéo Fortnite!
Qui étaient les Phrygiens?
L’histoire des Phrygiens
Les Phrygiens arrivent aux alentours de 1200 av. JC en Anatolie, sur les terres de l’empire Hittite qui s’éteint. Leur origine n’est pas très claire mais ils pourraient faire partie de ces fameux « Peuples de la Mer » venus d’Europe du sud-est et qui ont fait trembler jusqu’aux égyptiens.
Les Phrygiens installent donc leur capitale à Gordion.
L’apogée du royaume Phrygien se situe vers 750 av. JC. Mais Gordion est détruite peu de temps après vers 696 av. JC par les Cimmériens, venus du bord de la Mer Noire. La ville passe ensuite sous le joug des Lydiens (dont la capitale est Sarde, près de l’actuelle Izmir), puis des Perses, jusqu’à l’arrivée d’Alexandre le Grand en 333 av. JC qui tranche le fameux Noeud Gordien (cf. plus bas). Viendront ensuite, les Galates, les romains, les seldjoukides, les ottomans… mais jamais plus Gordion n’aura une telle renommée que sous le royaume Phrygien.
Le bonnet phrygien!
Qui dit Phrygien, dit bonnet Phrygien! Cela nous évoque notre Marianne et les sans-culottes de la Révolution Française. Et en effet, il s’agit bien du même bonnet Phrygien.
Ce bonnet de Schtroumpf était un couvre-chef communément porté par le peuple phrygien. On le retrouve par exemple sur la tête des représentations du jeune Pâris, réputé d’origine phrygienne et qui provoquera la Guerre de Troie.
Plus tard, sous l’empire romain, le bonnet phrygien est porté par les esclaves affranchis.
A la Révolution Française, le bonnet Phrygien (devenu rouge) est repris et devient le symbole de la liberté et de la République.
On le sait moins, mais le bonnet Phrygien rouge est également adopté en Amérique. Il orne notamment les armoiries de la plupart des pays d’Amérique latine ou de l’état de New York.
La religion et les dieux phrygiens
Les Phrygiens sont polythéistes et vénèrent en particulier la Déesse Kubila, mieux connue sous le nom de Cybele que lui donnèrent les greco-romains. Cybele, la « Mère Montagne » (à ne pas confondre avec Sybell, la déesse des chips) est mariée au jeune berger Attis (représenté coiffé lui-aussi du fameux bonnet Phrygien). Ses grandes prêtresses, les Sibylles pouvaient voir l’avenir.
La langue des Phrygiens
Le peuple Phrygien parlait une langue indo-européenne, aujourd’hui disparue dont les écrits retrouvés n’ont à ce jour jamais été déchiffrés.
L’art des Phrygiens
Maîtres dans l’art du bois et du bronze, les Phrygiens ont beaucoup influencé la culture grecque. Il n’y a qu’à voir les objets exposés au musée des civilisations anatoliennes d’Ankara. Tables en marqueterie et chaudrons sont magnifiques!
Les légendes du roi Midas
Plusieurs légendes ont été rapportées par les grecs sur le roi Midas. Peu flatteuses, Midas y est décrit comme un roi cupide et un peu benêt (phrygien…) 😉
Midas et le toucher d’or
Voici la légende la plus célèbre qui nous a rendu le Roi Midas si populaire!
Un jour, Silène, qui est le copain de beuverie (ou père adoptif, selon les versions) du Dieu du vin et de la fête Dionysos, se promène en Phrygie. Silène, tout pompette, est ramassé par les soldats du Roi Midas. Celui-ci l’installe alors dans son château où il lui offre l’hospitalité pendant 10 jours, le temps de décuver. Il le reconduit ensuite auprès de Dionysos. Tout content de revoir son satyre de compère, le dieu accorde à Midas un vœu.
Le Roi Midas, franchement vénal, demande que tout ce qu’il touche se transforme en or! Et paf, son vœu se réalise…
Dans un premier temps, Midas est comblé. Il transforme tout ce qui l’entoure en or et accumule un trésor certain. Sauf que, y compris sa nourriture, son vin et sa propre fille sont transformés en or à son toucher. Le rêve devient vite un cauchemar!
Midas retourne auprès de Dionysos et l’implore d’annuler son pouvoir. Ce sera chose faite à la condition que Midas se lave dans la source du fleuve Pactole.
C’est ainsi que le fleuve se charge d’une multitude de paillettes d’or. Elles sont charriées par le fleuve jusqu’à l’embouchure de la mer Egée à Sardes (près de l’actuelle Izmir), dans le royaume de Lydie. Deux siècles plus tard, à son tour, le roi lydien Crésus touche le Pactole!
Midas et les oreilles d’ânes
Cette deuxième légende qui concerne notre bon Roi Midas est moins connue :
Un jour le Roi Midas se retrouve sur le Mont Tmolos, face au dieu Apollon et au satyre Marsias qui se livrent un duel de musique (this is the voice!). Afin de les départager, ils demandent à Midas de choisir lequel des deux est le meilleur musicien. Pas bien malin, Midas choisit Marsias.
Apollon, beau gosse mais mauvais perdant, se venge sur Midas en lui changeant ses oreilles, en oreilles d’âne!
Honteux, le Roi Midas cache ses oreilles d’âne sous son bonnet phrygien. Le seul à connaître son secret est son coiffeur, qui forcément, lui dégage les oreilles…
Le secret étant trop dur à garder, le coiffeur de Midas se décide à creuser un trou dans la terre, près d’une rivière. Il met sa tête dans le trou et cri son secret de toutes ses forces avant de le reboucher. Ainsi soulagé, il peu garder le secret.
Sauf que, à l’emplacement de ce trou, un roseau pousse. Et ce roseau bruisse, littéralement, en répandant le secret du roi Midas, de roseau en roseau jusqu’à la ville… Si bien que finalement, tout le royaume découvre que le roi Midas a des oreilles d’âne.
Humilié, le Roi Midas tue son coiffeur et se suicide… (la légende rejoint ainsi la réalité)
Autres légendes et faits remarquables associés à Gordion
Alexandre le Grand et le Noeud Gordien
Une légende raconte que jadis, avant la fondation de la cité de Gordion, le peuple Phrygien se rend auprès d’une sibylle, autrement dit une grande prêtresse de la déesse Sybele dotée de pouvoir de divination. Celle-ci leur révèle 2 choses :
Premièrement, qu’ils doivent proclamer Roi, le premier homme qui arrive au temple sur un char. Et c’est un simple paysan du nom de Gordias qui arrive avec son char à boeuf. Il l’attache à un arbre en faisant un noeud bien serré : le fameux Noeud Gordien.
Gordias proclamé Roi des Phrygiens, fonde sa capitale en ce lieu, qu’il nomme Gordion. Son fils portera le nom de Midas. Par la suite, tous les rois Phrygiens s’appelleront alternativement Gordias et Midas!
Revenons à présent à notre Noeud Gordien… Gordias l’avait si bien noué qu’il semblait n’avoir ni début ni fin.
La suite de la prophétie raconte que le premier qui réussirait à défaire ce « Nœud Gordien » deviendrait maître du monde connu. Bien plus tard, c’est finalement Alexandre, jeune roi venu de Macédoine qui en 333 av. JC tranche d’un coup d’épée le Nœud Gordien. L’Histoire retient son nom comme celui d’Alexandre le Grand!
Quant au fait de « trancher le nœud gordien« , il est aujourd’hui devenu une expression qui signifie qu‘un problème semble inextricable. A moins d’une solution radicale, comme un bon coup d’épée ;-).
Ataturk et la bataille de la Sakarya
Si vous êtes passé par Ankara, vous ne pouvez pas ne pas avoir visité le mausolée du Père des Turcs, Mustafa Kemal Atatürk! L’exposition qui y est installée relate la vie et les faits d’arme du fondateur de la République laïque de Turquie.
Héros national, Atatürk s’est illustré lors de deux grandes batailles. La première, au cours de la 1ère guerre mondiale alors que Lieutenant-Colonel, il s’illustre dans la bataille des Dardanelles à Gallipoli, près de Canakkale.
La seconde, c’est la bataille de la Sakarya du 14 août au 13 septembre 1921. Les Turcs viennent de perdre la 1ère guerre mondiale et l’empire ottoman a été démantelé. Mustafa Kemal a pris la tête d’une armée de résistance contre les forces alliées, notamment les Grecs. C’est la guerre d’indépendance turque (1919-1922).
Les Grecs remontent vers Ankara, siège de la résistance choisi par Mustafa Kemal (qui ne se fait pas encore appeler Atatürk). Le 14 août, ils sont stoppés dans leur avancée par la rivière de la Sakarya, qui coule au pied de l’ancienne cité de Gordion. Après d’âpres combats, le 26 août, l’armée Grecque se replie jusqu’à Smyrne, l’actuelle Izmir, d’où les Grecs, soldats comme civiles prennent la fuite par la mer…
Comme quoi, cette petite visite du tombeau du roi Midas, bien que très rapide, est l’occasion de revenir sur bien des anecdotes! Alors, viens donc, viens donc chez… Midas!
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