Iznik, petite ville à moins de 2 heures de route d’Istanbul est surtout connue pour ses céramiques ottomanes. Mais une visite d’Iznik, c’est aussi l’occasion de découvrir les vestiges de l’ancienne Nicée, capitale byzantine pendant un demi-siècle dont les remparts sont encore bien visibles. Et aux beaux jours, le lac d’Iznik est un endroit paisible et fort agréable. Assez peu touristique, Iznik vaut quand même largement le détours. Nous avons la chance d’y avoir passé une demi-journée, avant de nous rendre à Bursa. Mais ça nous a bien donné l’envie d’y revenir, peut-être pour un week-end au printemps…
Voici donc notre expérience d’Iznik, la ville aux céramiques! et plus encore!!!
Se rendre à Iznik
Nous avons organisé cette visite dans le cadre d’un week-end à Bursa. Et c’est en voiture que nous nous y rendons pour être autonomes. Le trajet se fait très facilement en moins de 2 heures depuis Istanbul. Partis à 7h45 un samedi matin, nous étions arrivés à 9h30.
La route est vraiment très facile et nous fait emprunter le superbe pont Osman Gazi à hauteur de Gebze qui enjambe la mer de Marmara. Il faut compter environ 110TL pour les frais d’autoroute et traversée du pont. Il est possible d’éviter le pont en contournant la mer et en passant par Izmit, mais c’est plus long.
Après la sortie d’autoroute, la petite route de campagne longe le lac d’Iznik à travers les champs d’oliviers. On aperçoit à certains endroits des sources chaudes qui s’écoulent en laissant échapper des volutes de vapeur d’eau.
La météo à Iznik
Cette première visite d’Iznik se fait en plein hiver, fin décembre. Il fait donc assez froid. La température est proche de zéro, mais avec un ciel clair.
L’histoire d’Iznik
Iznik est aujourd’hui une petite ville rurale très tranquille, entourée de ses champs d’oliviers et son lac. Pourtant elle a une histoire très riche qui en a notamment fait la capitale de l’empire byzantin pendant un demi-siècle.
Il faut pour cela remonter à l’époque où la ville s’appelait Nicée.
Bien que fondée plus de 300 ans avant Jésus-Christ par des peuples hellénistiques, elle entre dans l’histoire en 325 quand l’empereur byzantin Constantin, y convoque le 1er concile œcuménique. C’est ce concile de Nicée qui unifie les différents courants de la religion catholique.
En 787, se tient à Nicée le 7ème concile œcuménique qui met fin à la première période d’iconoclasme, un mouvement hostile au culte des images. Il faut rappeler qu’en 730, l’empereur Leon III interdit le culte des images. S’affrontent alors 2 courants de pensée religieuse dans l’empire byzantin chrétien : les iconoclastes qui interdisent l’idolâtrie des icônes et prônent leur destruction, et les iconodoles qui les vénèrent. Cette première iconoclasme dure donc près de 60 ans, et une seconde période suivra entre 813 et 843. Si vous visitez des églises byzantines, peut-être remarquerez vous ces visages (souvent en mosaïques) qui ont été détruits. Ce sont des traces de ces périodes iconoclastes!
En 1081, la ville de Nicée tombe une première fois aux mains des turcs Seldjoukides, mais est reprise en 1097 par les byzantins avec l’aide des croisés de la 1ère croisade.
En 1204, les latins lancent la 4ème croisade qui se solde par la prise de Constantinople! L’empereur byzantin est destitué. Toutefois, son gendre Théodore Laskaris se réfugie à Nicée d’où il prépare la reconquête du pouvoir. Il y fonde l’empire de Nicée et se fait couronner Empereur en 1208. Nicée devient donc la capitale de ce vestige d’empire byzantin jusqu’à la reprise de Constantinople, 53 ans plus tard en 1261, par Michel VIII Paléologue. La ville de Nicée est alors délaissée.
En 1331, Nicée tombe définitivement aux mains du jeune empire Ottoman, conduit alors par le sultan Orhan, fils d’Osman Ier. Le nom d’Iznik, déjà donné entre 1081 et 1097 par les Seldjoukides, lui est définitivement substitué.
(Pour repère chronologique, la ville de Bursa, située à 80km d’Iznik, a été prise 5 ans plus tôt et est devenue la 1ère capitale de l’empire ottoman. Constantinople ne tombera qu’un siècle plus tard en 1423).
Que voir à Iznik?
La visite d’Iznik peut se faire en 2 heures, mais on peut aussi prévoir d’y rester une journée entière ou un week-end. Iznik est une ville où on se sent bien! Bien loin de la frénésie d’Istanbul, on peut aussi profiter de son lac pour un séjour à la fois culturel et balnéaire.
Les vestiges romains d’Iznik
Les remparts de la ville, probablement bâtis au 4ème siècle, sont encore bien visibles sur leurs 3 km de long. Ils sont percés de 4 portes triomphales. Certaines sont en restauration actuellement, telle que la Porte d’Istanbul qui s’ouvre au nord. Mais nous avons pu traverser à pied et admirer de près la Porte de Lefke.
Un théâtre romain, à l’extérieur des remparts, est actuellement en restauration et n’est pas ouvert au public. Il faudra certainement de longues années pour arriver au bout de ce travail titanesque.
Au cœur de la ville, une ancienne église byzantine – Ayasofya – Sainte-Sophie est à visiter. Construite au 4ème siècle, c’est ici qu’aurait eu lieu le 7ème concile œcuménique (voir plus haut). Convertie en mosquée après la conquête des turcs, puis en musée, elle a finalement était rouverte en mosquée (et porte le nom d’Orhan Cami). Mais, chose originale, en y entrant vous verrez que la moquette délimitant l’espace de prière est au centre de l’église. Un mirhab, indiquant l’orientation vers la Mecque a été ajouté à environ 30° par rapport à la nef. Autour du tapis, il est donc possible de circuler librement pour admirer les vestiges de l’ancienne église : une mosaïque de marbre à l’entrée, des fresques presque effacées mais encore visibles représentant des anges, un tombeau…
La placette de la Mosquée Verte d’Iznik
En plein centre de la vielle ville se trouve une petite place très charmante qui était en cours d’aménagement paysager lors de notre visite. Dans quelques semaines, ce devrait être fini, faisant du lieu un endroit vraiment agréable, à l’ombre des palmiers.
La Mosquée Verte – Yesil cami – d’Iznik construite en 1391, est le monument le plus connu de la ville. Il doit son nom à son minaret recouvert de céramiques vertes. Restauré il y a quelques années, les carreaux de faïence originaux ont été remplacés par des plus récents, de moins bonne qualité, mais le résultat est quand même très beau. La mosquée est assez petite, mais son architecture est un bon exemple d’un style ottoman encore très emprunt de la culture seldjoukide. Donc bien différent de l’architecture ottomane qui s’impose par la suite à Istanbul et dans le reste de l’empire.
Le Musée archéologique est situé juste en face. Il s’agit initialement d’un imaret, c’est à dire un hospice ou ce que l’on appellerait aujourd’hui une « soupe populaire ». Il accueillait surtout les Derviches itinérants car à cette époque les ottomans sont plutôt de confession soufi. L‘imaret est fondé en 1388 par Mourat 1er en mémoire de sa mère Nilüfer Hatun, 2ème épouse d’Orhan Gazi. Pour la petite histoire, cette épouse était la fille d’un prince byzantin et s’appelait initialement Halofira. Orhan la fit enlever le jour de son mariage. Après s’être convertie à l’Islam elle prit le nom de Nilüfer Hatun, et c’est elle qui donna au sultan son successeur, Mourad Ier. En 1960, l’imaret est transformé en musée archéologique. Malheureusement, il est actuellement fermé pour cause de restauration (un restaurant en restauration! drôle non?). Mais on peut admirer sa façade.
Le hammam Murat II
Ce hammam historique datée du 15ème siècle, a été récemment restauré. Nous n’avons pas eu le temps d’en profiter, mais l’extérieur donne envie!
Le lac d’Iznik
La ville d’Iznik est située en bordure d’un très grand lac (de près de 300km² !). Ses berges aménagées se trouvent juste à l’extérieur des remparts de l’antique Nicée. Il est donc très facile de venir y faire une promenade, un pique-nique ou même profiter des activités nautiques.
Les amoureux de nature apprécieront d’y voir de nombreux oiseaux qui vivent dans les touffes de roseaux.
Et pour information, les vestiges d’une basilique byzantine, similaire à l’église Ayasofia a été retrouvée en 2014, à 1,50 mètres sous la surface et 20 mètres de la rive.
Notre visite, trop courte, ne nous a pas permis de profiter pleinement du lac d’Iznik, mais il faudra revenir au printemps!
Les céramiques d’Iznik
Enfin, impossible de parler d’Iznik sans évoquer les céramiques qui en font sa renommée internationale. Déjà à l’époque de Nicée, la ville était connue pour sa production de céramiques. Mais c’est à partir du 15ème siècle que cet artisanat local devient célèbre dans tout l’empire et au-delà. La demande occidentale est telle, qu’à la fin du 16ème siècle le sultan décide que toute la production sera réservée aux constructions de l’empire. Pendant 3 siècles, ses ateliers produisent de la vaisselle, des objets de décoration et des carreaux … qui vont revêtir les plus beaux monuments ottomans!
On peut, par exemple, admirer les carreaux de faïences d’Iznik
- à Istanbul : dans la « mosquée Bleue » de Sultanahmet, la mosquée de Ruştem Paşa, la mosquée de Sokullu, la mosquée Süleymaniye, le palais de Topkapi, etc.
- à Bursa : la mosquée de Murat II
Dans les premiers temps, la céramique d’Iznik était très inspirée des porcelaines chinoises dont les sultans étaient friands.
Les couleurs des céramiques d’Iznik sont donc initialement le bleu de cobalt et le blanc. Puis les techniques évoluent et s’ajoute à la palette, le bleu turquoise. Viennent ensuite différents verts, ainsi qu’une gamme de couleurs allant du noir au rose. Mais LA couleur qui révolutionne l’art de la céramique et fait la réputation d’Iznik, c’est le rouge tomate. Innovation technique, on retrouve ce rouge pour la première fois au milieu du 16ème siècle dans la mosquée de Süleyman le magnifique à Istanbul.
Après cet âge d’or, les productions d’Iznik vont s’essouffler. Au 18ème siècle, les derniers ateliers de céramique d’Iznik ferment et le savoir-faire se perd. Mais depuis les années 1980 des céramistes turcs tentent de faire revivre cet art. Et on a le plaisir aujourd’hui de pouvoir acheter ou simplement visiter les fabriques de céramiques d’Iznik. Voilà donc un beau cadeau à offrir ou à s’offrir en souvenir d’Iznik! (pour des prix moitié moindres qu’à Istanbul!)
Vous trouverez des boutiques au Nilüfer Hatun Cini Carsisi – le bazar des céramiques de Nilüfer Hatun, à proximité de la mosquée verte d’Iznik.
Où manger à Iznik?
Notre visite étant matinale, nous n’avons fait que nous réchauffer autour d’un petit thé et grignoter pour quelques TL des simit, açma, et autres pogaca… sur la rue Kiliçaslan où il y a un large choix.
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