Notre road-trip se poursuit sur la frontière syrienne à l’automne 2021. Nous étions hier à Gaziantep et ce matin nous reprenons la route direction Şanliurfa. Nous ferons un petit détours pour rajouter Halfeti à notre voyage. Et bien sûr, cette journée sera consacrée à la visite d’un nouvel incontournable : le site archéologique de Göbeklitepe!
Visiter Halfeti, Göbeklitepe et Şanliurfa : Jour 2
Nous partons donc de bon matin, car la journée va être bien chargée. Nous aurions pu choisir de partir directement sur Şanliurfa si nous avions voulu passer une journée plus tranquille. Mais c’est mal nous connaître! Des turcs de la région nous avaient parlé de Halfeti, comme étant l’une des sorties dominicales préférées des habitants de Gaziantep et de Şanliurfa.
Direction donc les hauteurs, vers le petit village de Halfeti au bord de l’Euphrate. Sur la route, on ne manquera pas d’admirer les paysages très arides mais couverts de pistachiers.
Halfeti, le village de la rose noire!
Nous atteignons Halfeti en 1h20 de route. La particularité de ce village est liée au barrage de Birecik. Ce fameux barrage qui a causé l’inondation sur le site antique de Zeugma. Et qui a donc aussi provoqué la montée des eaux en amont sur tout le fleuve Euphrate.
De ce fait, le vieux village de Halfeti est devenu une petite attraction touristique (connue que des locaux pour l’instant!). Membre du réseau Cittaslow, le village est fier de promouvoir la vie tranquille et la lenteur, à l’opposé du stress de nos vies modernes!
L’activité incontournable, c’est d’embarquer sur l’un des bateaux qui vous attendent pour un petit tour d’1 heure sur l’Euphrate. Sur l’eau, nous apercevons les ruines d’une forteresse byzantine. Plus loin, quelques maisons à moitié englouties. Et le clou du spectacle, le minaret de l’ancienne mosquée qui émerge et se reflète sur l’eau.
Après le bateau, il n’y a que l’embarras du choix pour se restaurer à Halfeti d’un bon poisson ou d’un kahvalti. Et pour nos gourmands, une petite glace turque – dondurma – dont la capitale Kahramanmaras n’est pas très loin.
En souvenir, on n’oublie pas de rapporter un petit flacon d’eau de cologne à la rose noire. Car l’autre particularité d’Halfeti, c’est que l’on y cultive la seule vraie rose noire au monde! La Siyah gül fleurit au printemps-été et elle ne prend cette couleur très sombre que lorsqu’elle pousse ici, sous le microclimat de Halfeti, arrosée des eaux de l’Euphrate!
Le site antique de Göbeklitepe
En début d’après-midi nous redescendons, en direction de Şanliurfa et nous arrêtons au site antique de Göbeklitepe. Le trajet nous prend 2 petites heures.
Göbeklitepe, vous connaissez? C’est un site incontournable de la Turquie orientale. Rien de moins que le plus ancien temple connu au monde, érigé par les hommes préhistoriques! Incroyable, mais vrai, Göbeklitepe remonte à 12 000 ans, quand l’Homme n’était que chasseur-cueilleur.
Et forcément, ça méritait que je vous écrive un article plus complet. Si vous ne l’avez pas déjà lu, dépêchez-vous de le lire avant de démarrer votre visite de Göbeklitepe!
En fin d’après-midi, nous posons enfin nos bagages à Şanliurfa, qui n’est plus qu’à 30 minutes de route. Notre hôtel, Ala han butik otel, se situe en plein cœur de la vieille ville, juste à côté du fameux bassin d’Abraham!
Şanliurfa et le bassin d’Abraham
La ville d’Urfa, tout comme Antep, s’est vue attribuer le préfixe de Şan, « la glorieuse » par Atatürk après la guerre de libération.
Şanliurfa est une très jolie ville aux influences arméniennes, kurdes, et syriennes qui lui ont donné cette belle architecture très orientale. En son centre, l’ancienne citadelle, au pied de laquelle s’étend le parc de Gölbaşı. Il s’agit d’un parc très verdoyant, comme un oasis au cœur du désert, qui apporte une fraîcheur bienvenue.
Dans ce parc, le point vers lequel tous les promeneurs convergent, est le sublime Bassin d’Abraham et ses fameuses carpes sacrées. Avec le soleil couchant le lieu est envoûtant. Selfi obligatoire!
La légende raconte que le patriarche Abraham, à l’origine des 3 religions du Livre (judaïsme, chrétienté et islam) serait né ici, à Şanliurfa!
La légende du bassin d’Abraham à Şanliurfa
En ce temps très lointain (pas vraiment daté), le Roi Nemrod, fondateur de Babylone, avait reçu des oracles l’annonce de la naissance prochaine d’un prophète qui lui ferait perdre son trône. Si bien qu’il décida de faire assassiner tous les bébés mâles et les femmes enceintes.
Mais, une future mère échappe au massacre en se cachant dans une grotte. C’est dans cet abris que le petit Abraham vint au monde et vécu tranquillement ses premières années.
Adolescent rebelle, il commence à faire parler de lui et de sa drôle d’idée de croire en un Dieu unique, plus puissant que les anciennes idoles dont il détruit les statues. Ni une ni deux, le roi Nemrod fait arrêter le sacripant, en qui il reconnait sa menace. Pour la peine, Nemrod fait installer un immense brasier au pied de la falaise. Et hop, du haut de celle-ci, Abraham est jeté.
Mais c’est alors que le miracle se produit. Au moment de sa chute, le feu se transforme en eau et les bûches en poissons. Abraham est sauvé, juste un peu mouillé, et peut-être avec un beau plat quand même!
Depuis ce jour, Abraham a eu la carrière qu’on lui connait. Quand à Nemrod, sa fin est bien pathétique. Selon certains récits de littérature islamique, c’est un moustique qui serait rentré dans sa narine, lui provoquant de sévères migraines. Pour s’en débarrasser, il demande aux passants de lui frapper sur la tête afin de faire ressortir la bestiole. Le vaniteux Roi Nemrod aurait ainsi connu une mort bien ridicule, assommé avec un moucheron dans le nez!
Mais tout ça bien-sûr, n’est qu’une légende …
A voir autour du bassin d’Abraham à Şanliurfa
La légende d’Abraham attire en ce lieu une foule de promeneurs et de pèlerins, venus principalement de Turquie ou de Syrie. Assez peu d’occidentaux il est vrai. Mais vous pouvez vous promener sereinement.
Les carpes du bassin et des ruisseaux qui traversent le parc, sont ici sacrées et des vendeurs de nourriture à poissons vous attendent.
La grotte où serait née Abraham se trouve face au bassin, avec une petite mosquée aménagée à côté. Vous pourrez y acheter de « l’eau bénite » du bassin.
Dans le fond du parc, ne manquez pas de monter au sommet de la citadelle. Dans les larges escaliers, des tables de restaurant sont installées pour un petit diner avec une vue magnifique, et des envols de pigeons depuis la falaise.
Visiter le musée de Şanliurfa, Harran et Mardin : Jour 3
Le réveil est agréable à Şanliurfa avec cette douce lumière de l’aube. Les rues sont bien plus calmes que le soir, lorsque nous nous rendons à pied au musée archéologique de Şanliurfa.
Musée archéologique de Şanliurfa
J’ai déjà eu l’occasion d’en parler dans mon article sur Göbeklitepe. Le musée archéologique de Şanliurfa est surtout connu pour rassembler les vestiges collectés à Göbeklitepe et les environs. Cela vaut donc le coup d’y passer une heure, ne serait-ce que pour admirer la reconstitution d’un temple de Göbeklitepe. Cela permet de bien se rendre compte de la dimension impressionnante de ces pierres en « T » et les détails des animaux sculptés.
L’autre artefact à ne pas rater c’est « l’homme d’Urfa » qui est la plus vieille statue anthropomorphe à taille humaine découverte à ce jour.
Harran et ses maisons en forme de ruche
Nous reprenons la voiture, en direction de la frontière syrienne. C’est une route toute droite qui relie Şanliurfa à la ville d’Alep en Syrie, et qui est très empruntée par les camions de fret. Notamment, en cette période automnale, car c’est la saison du coton. Les vastes champs produisent leurs petites boules blanches qui volent dans l’air. Et de nombreuses usines le long de cette route stockent déjà des montagnes de coton sous leurs entrepôts.
L’histoire de Harran
Après un trajet de 40 minutes, nous arrivons donc à Harran, l’ancienne Carrhes.
Cette petite ville, pourrait être le lieu d’où Abraham aurait reçu « l’appel de Dieu » selon la Génèse dans la Bible.
Bien que son passé soit très riche – ce fût aussi à la bataille de Carrhes que les Parthes infligèrent une défaite aux Romains et plus tard les Abbasides y ont construit la première université scientifique – il n’y a plus grand chose à visiter actuellement. En dehors, d’une chose : des habitations traditionnelles que vous ne pourrez voir qu’ici en Turquie!
Pas évident de se repérer car les panneaux sont rares. Mais sans quitter la voiture, vous pouvez rentrer à l’intérieur des vieux remparts pour monter au sommet de l’ancienne cité. Un petit chemin conduit aux ruines de l’université. D’ici, vous apercevez ces quelques maisons traditionnelles encore conservées, dont les toitures évoquent des ruches. Référez-vous aux rares bus touristiques. Ce sont généralement des touristes turcs car vous ne devriez pas croiser beaucoup d’occidentaux…
Les maisons traditionnelles de Harran
Il s’agit d’habitations en adobe, de la terre argileuse mélangée à de la paille. Elaborées sur un plan rectangulaire, elles sont couvertes de plusieurs petites coupoles. Cette technique permet de conserver une fraicheur agréable malgré la chaleur extérieure.
Ces maisons étaient encore utilisées il y a quelques décennies par les habitants d’Harran, qui leur préfèrent aujourd’hui les appartement plus modernes. Toutefois, ce sont leurs propriétaires qui vous feront faire la visite, moyennant un petit pourboire.
Une fois la visite terminée, nul besoin de s’attarder. Actuellement, Harran est surtout une terre d’accueil pour la population arabo-syrienne qui a fuit la guerre. Il n’y a pas d’infrastructures touristiques et l’ambiance n’engage pas à rester plus que nécessaire. Même pas pour déjeuner. Nous nous contenterons de grignoter dans la voiture pendant les 3 heures que durera notre trajet jusqu’à Mardin.
Une épice à ne pas rater : L’isot de Şanliurfa !
Sur le chemin, dans les faubourgs de Şanliurfa une odeur de poivron nous saisit. Sur les parkings de vastes tâches rouges se déploient. Ce sont ces fameux petits poivrons de la région de Şanliurfa qui sont séchés au soleil. Ils se transformeront tranquillement en une purée rouge que l’on appelle isot. Un condiment qui viendra légèrement relever les plats turcs et que l’on trouve dans toutes les épiceries de Turquie.
Par contre, l’isot se présente aussi sous forme d’épice, de couleur noire. Vous vous en souvenez? Je l’ai goûtée dans une salade à Gaziantep. Elle est délicieuse, mais plus difficile à trouver en dehors de cette région de la Turquie orientale. Donc, profitez-en pour rapporter quelques grammes d’isot!
Retrouvez très bientôt mon article sur Mardin où nous resterons 2 nuits. Et si vous les avez ratés, replongez-vous dans mes articles sur Gaziantep et Antakya dans cette belle région du sud-est de la Turquie Orientale.
13 mai 2022 at 11 h 02 min
Bonjour Fleur,
Whaou ! Cette région est terriblement attirante, mais elle se trouve dans la zone « déconseillée sauf raison impérative » du site diplomatie.gouv, et tu indiques toi-même que « l’ambiance n’engage pas à rester plus que nécessaire » … du coup j’hésite à m’y aventurer !
13 mai 2022 at 12 h 17 min
Bonjour! Aucun problème à rester quelques jours sur Sanliurfa. C’est juste à Harran que je ne recommanderais pas d’y rester plus que le temps de la visite (Ce serait dommage, il y a tant d’autres choses à voir pas loin ;-)). Bon voyage! Fleur
11 mars 2023 at 11 h 49 min
Bonjour Fleur,
Un grand merci tardif pour la qualité et la précision de vos conseils qui nous ont permis ,en toute sécurité, la visite en individuel de cette passionnante région en septembre 2022 : une pensée pour les populations locales dans ce dramatique contexte .
Serge
11 mars 2023 at 12 h 02 min
Bonjour Serge. Merci pour eux. On pense tous avec émotion aux habitants de cette région qui enchaîne les catastrophes. Je suis heureuse que vous ayez pu visiter cette belle région et espère que d’autres pourront s’y rendre le plus vite possible. Fleur
6 juillet 2024 at 15 h 02 min
Bonjour, merci pour le contenu que vous partagez ! Votre visite date mais comment avez-vous fait pour Haran ? Nous, à peine arrivés, nous avions été accostés-harcelés autant par des enfants qui demandaient de l’argent que par des adultes qui voulaient nous faire visiter et qui nous lâchaient pas. Nous étions restés même pas 10 minutes…