Si vous êtes présent sur le sol turc un 10 novembre, vous serez peut-être surpris de voir le temps se figer à 9h05 précises! Les sirènes hurlent, les gens sortent dans la rue, à leur balcon et sur les toits, les voitures s’arrêtent en pleine voie et leurs conducteurs se tiennent gravement, debout, portière ouverte. Mais que se passe-t’il??? Rassurez-vous, rien de grave, c’est simplement la Turquie qui rend hommage à l’un de ses plus illustres personnages.
Mort d’un héros national, naissance d’un mythe
Le 10 novembre 1938 à 9h05 s’éteignait Mustafa Kemal, plus connu sous le nom d’Atatürk, dans son Palais de Dolmabahçe. Ironie de l’histoire, ce héros de la guerre de libération, qui mit fin au Sultanat aura terminé sa vie dans la – très modeste – demeure des derniers Sultans ! D’ailleurs, si vous visitez le Palais de Dolmabahçe vous passerez devant la chambre d’Atatürk, dont le lit est recouvert d’une impressionnante couverture brodée au fil d’argent représentant le drapeau Turc. Et prêtez donc attention aux horloges, vous constaterez que les cadrans sont figés sur l’heure de sa mort à 9h05!
L’histoire d’Atatürk pour faire court, c’est celle d’un homme assurément ambitieux. Pour lui comme pour son pays!
Né en 1881 à Salonique, une ville actuellement grecque mais qui faisait alors partie de l’empire Ottoman, Mustafa suit une scolarité militaire au cours de laquelle, l’un de ses professeurs lui rajoute le prénom de Kemal. Ce qui signifie parfait, complet! Il s’intéresse beaucoup à la politique et notamment au modèle de la Révolution Française et de l’Empire de Napoléon Ier dont il s’inspire plus tard pour construire la République Turque. Pendant la 1ere guerre mondiale, Mustafa Kemal s’illustre dans la fameuse bataille des Dardanelles dont il sort victorieux. Mais c’est à la fin de la guerre, alors que l’empire Ottoman est défait, démantelé et que la Turquie est occupée par les alliés, que Mustafa Kemal désobéit aux ordres. Il décide de mener la guerre contre l’occupant et donc contre son Sultan. En 1923, la Turquie est libérée.
Dès lors, Mustafa Kemal, soutenu par le peuple Turc entreprend des réformes tambour battant pour fonder la République de Turquie. Il met fin au sultanat, impose la laïcité et engage la modernisation du pays en suivant le modèle européen. L’homme au regard bleu acier relève son pays avec une main de fer et ne fait pas que des heureux, mais cultive son image de leader. En 1934 il se choisit son patronyme et devient Mustafa Kemal Atatürk – le père des Turcs!
Bon vivant, c’est une cirrhose du foi qui l’emporte finalement à l’âge de 57 ans, laissant la nation turque orpheline de son guide.
Sa dépouille repose aujourd’hui dans un immense mausolée situé à Ankara, la capitale qu’il a institutionnalisée et d’où il avait organisé sa guerre de libération pour rendre à la Turquie son autonomie. Le mausolée – anitkabir – d’Ataturk à Ankara est aujourd’hui l’un des monuments les plus visités d’Ankara. Construit après sa mort et inauguré en 1953 – avant quoi la dépouille était au musée ethnographique d’Ankara – le site enregistre tous les ans des records d’affluence en ce jour de commémoration, jusqu’à dépasser le million de visiteurs!
Chaque 10 novembre, ce qui impressionne, c’est de voir à quel point 80 ans après sa disparition, l’hommage rendu au Père fondateur de la République Turque est si vibrant. Difficile de se rendre compte, alors que chez nous, même le Général De Gaulle (qui ne devint le symbole de la libération de la France que plusieurs années après la mort d’Atatürk… un petit jeunot en sorte !) n’est déjà plus qu’un vague souvenir de cours d’histoire, lui, reste l’idole des jeunes turcs. Vous pourrez d’ailleurs ramener en souvenir de votre séjours turc moult accessoires à l’effigie d’Atatürk : drapeaux, mugs ou cravates…! Cela tient certainement à la culture profondément nationaliste du peuple turc et aux valeurs qu’Atatürk lui-même à mises au cœur de sa République telles que fierté du drapeau et de l’hymne national (entre autres).
Selon mon analyse toute personnelle – et sans aucune valeur d’expertise 😉 – je résumerais ainsi, qu’Atatürk est un mixe entre notre héros de la libération – le Général De Gaulle – et notre super-star Johnny qui nous a quitté l’an dernier. Car oui, que l’on aime ou pas le personnage, ou même que l’on soit sans opinion, il n’empêche qu’en ce 10 novembre à 9h05, lorsque les sirènes se mettent à hurler et que l’on assiste à cette scène absolument incroyable, on a tous en nous un petit quelque chose d’Atatürk…
On ne peut que se laisser happer par l’émotion qui se dégage dans ce moment hors du temps. Les passants s’arrêtent, les voitures se figent, même les taxis cessent pour un instant de klaxonner, les vendeurs de kebab se mettent au garde-à-vous, commerçants et clients sortent sur le pas-de-porte, les ouvriers suspendent leur travail et le grutier se suspend, lui, debout au-dessus du vide… Les visages sont fermés, le peuple turc est en communion à travers tout le pays. On sent les gorges se nouer et certains ont les yeux rougis.
Et dans ce silence pesant mais fraternel, je me demande où vont leurs pensées et quelles émotions les traversent. Songent-ils à la grande Histoire passée de cet ancien Empire glorieux? Aux grandes réformes qui ont propulsé la République Turque dans la modernité du 21ème siècle? A l’histoire plus contemporaine qui se dessine en ce moment? … certainement un peu de tout ça.
En tous cas, pour moi qui suit plantée là, à filmer le silence avec mon smartphone, j’essaye de cacher cette petite larmichette qui m’est montée, en songeant à ce pays dont j’ignorais presque tout il y a encore quelques mois mais où je me sens aujourd’hui si bien!
Alors, prêts à vivre ce moment vous aussi???
Et pour en savoir plus sur les grandes lignes de l’Histoire d’Istanbul et de la République d’Atatürk, jetez donc un œil à mon article sur La p’tite Histoire d’Istanbul pour les nuls 😉
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